Séminaire Psychanalyse et Cinéma de l'ACF-Belgique : Un silence de Joachim Lafosse

Depuis Folie privée, le cinéma de Joachim Lafosse s’inscrit dans toutes les formes de déraillement possibles au sein des relations humaines et en particulier avec un Silence, il nous plonge dans tous les aspects que peuvent prendre ce déraillement au cœur de la famille : silence, refoulement, déni, et forclusion.

Joachim Lafosse s’est inspiré de l’affaire Hissel pour construire son film et suit le fil du réel quand « l’infranchissable »1 a été franchi. « Un crime sexuel est un venin dévastateur pour toute la famille » dit-il. Pour le sujet victime d’un viol ou d’un inceste, l’écran du fantasme est rompu, reste le choc du réel2. L’infranchissable s’est produit au sein de la famille et le film en dévoile les conséquences, les impacts sur celle-ci : silence, non-dits, déni.

Ce franchissement a touché le rapport même à la langue, et la parole s’en trouve atteinte. Cette atteinte à la langue, Neige Sinno tente avec l’écriture d’en dire quelque chose dans son livre Triste tigre, je la cite : « les conséquences du viol vont au-delà du domaine de la sexualité, elles affectent depuis la faculté de respirer jusqu’à celle de s’adresser aux autres, de manger, de parler ou de se taire, de percevoir sa propre existence comme une réalité, de se souvenir, d’apprendre, de penser, d’habiter son corps et sa vie, de se sentir capable de simplement être »3.

Ce film pose la question de ce que signifie « parler » et comment chacun fait avec l’innommable. Le pari de la psychanalyse porte sur la tentative d’en dire quelque chose de l’indicible càd « le mi-dire », comme le dit Lacan, pour faire résonner l’impossible du « tout dire »4.

Cette projection sera suivie d’un débat entre les membres du Séminaire Psychanalyse et Cinéma.

1 Leguil C., « Céder n’est pas consentir », PUF, 2021, p. 138 

2 Cf. Bonnaud H., « Dire l’indicible », J50 Attentat sexuel. 

3 Sinno, N., « Triste Tigre », Editions P.O.L., p. 166.

4 Cf. Leguil C., « Céder n’est pas consentir », op.cit., p. 144.