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Séminaire Dire de l’Art

Séminaire « Le dire de l’art »

6 mardis sur l'année académqiue de 20h à 21h30

Le 14 mai : 7ème séance

Séminaire du Dire de l'art et de la Bibliothèque de l'ACF-B

Nous avons le plaisir d’accueillir Pierre Malengreau à propos de son livre "La métaphore transpercée, Hélion, Ponge, Lacan".

Jean Hélion (1904-1987) est un peintre Français dont la synthèse de l’abstraction à la figuration a apporté à l’histoire de l’art moderne et contemporain une contribution majeure et sans équivalent. Il fait l’objet actuellement d’une formidable rétrospective (du 22 mars au 18 août) au Musée d’Art Moderne de Paris. Son travail avait à l’époque amené Francis Ponge à le rencontrer et, à partir de leurs conversations, à écrire quelques textes mémorables, dans lesquels il « accompagne les œuvres du peintre. Il rend présent le geste qui les produit. Il rend présente la manière dont Hélion interprète, pinceau à la main, l’interrogation qui forme l’horizon de son œuvre ».

À son tour, Pierre Malengreau s’appuie sur Hélion et Ponge, auquel il ajoute Lacan, pour interroger à nouveaux frais les conditions de création, dans les champs tant de la psychanalyse que de l’art : « La référence que Lacan fait à Francis Ponge éclaire ce que serait un nouvel usage des mots, un usage qui permettrait de rejoindre de temps en temps ce qu’il y a de réel, d’insensé et d’ininterprétable dans toute parole. Francis Ponge, dans un texte qui a pour titre Hélion, aborde cette question du nouveau à sa façon. Il l’aborde en faisant entrer son lecteur dans l’atelier de Jean Hélion ».

 

« À quelle condition du nouveau est-il possible ? Comment faire naître le présent ? La question vaut pour chacun, même s’il n’est pas sûr que chacun se la pose. Elle est en tout cas cruciale pour la psychanalyse […]

Qu’est-ce qu’un “signifiant nouveau” ? Lacan n’en fait pas un idéal, ni un maître-mot. Il tourne autour. […] Ce serait un signifiant qui n’aurait “aucune espèce de sens”, […] un signifiant qui “réveille”.

 

Cette soirée est donc l’occasion d’aborder ce qui fait la quintessence du travail du poète, du peintre et du psychanalyste. « Il s’agit de […] franchir le mur de l’idée préconçue, sortir les mots de “leur somnambulisme”, créer un évènement par l’opération d’une parole à l’état naissant ».

 

Les extraits cités se réfèrent successivement à la deuxième de couverture, et aux pages 7, 13, et 56 de l’ouvrage de Pierre Malengreau, La Métaphore transpercée, Hélion, Ponge, Lacan, Bruxelles, La Lettre Volée, 2024.

 

Discutantes : Marie-Françoise De Munck et Chiara Aquino

 

Responsables : Christiane Brewaeys, Bruno de Halleux, Yves Depelsenaire, Marc Segers, Pascale Simonet pour le Séminaire du Dire de l’Art

Marie-Claude Lacroix et Céline Poblome-Aulit pour la Bibliothèque.

Le 23 avril : 6ème séance

Le Surréalisme

Cartel responsable du séminaire : Christiane Brewaeys, Bruno de Halleux, Yves Depelsenaire, Marc Segers, Pascale Simonet.

L’actualité artistique à Bruxelles nous offre deux très belles expositions sur le Surréalisme :

- Imagine ! 100 ans de surréalisme international, aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, jusqu’au 21 juillet.

- Histoire de ne pas rire. Le Surréalisme en Belgique, à Bozar, jusqu’au 16 juin.

Nous profitons de ce double évènement pour revenir sur le surgissement de ce mouvement essentiel dans l’histoire de l’art contemporain.

Il y a 100 ans paraissait le « Manifeste du Surréalisme » d’André Breton.

Sa définition du Surréalisme : « Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » Breton visait ainsi à supprimer les barrières entre rêve et réalité, réel et imaginaire, rationnel et irrationnel,…

Sa  définition du Surréalisme s’est néanmoins très vite vue bousculée par les artistes surréalistes eux-mêmes, qui supportaient de plus en plus difficilement de voir leur créativité bridée par une définition qu’ils ressentaient comme réductrice et limitante.

Le surréalisme n’a par ailleurs jamais cessé d’inspirer nombre d’artistes ultérieurs et continue d’agir sur la création contemporaine.

Les noms des artistes surréalistes sont célèbres : parmi beaucoup d’autres, René Magritte, Max Ernst, Salvador Dali, Yves Tanguy, Giorgio de Chirico, Hans Bellmer, André Masson, Joan Miro, André Delvaux, Paul Nougé, Francis Picabia,… et d’autres belges, Marcel Marïen, Marcel Leconte, Paul Colinet, Achille Chavée, Armand Simon, Louis Scutenaire, Ubac, Pol Bury…

Pour cette séance de notre séminaire, nous partirons de ce que dit Lacan de la pulsion comme "montage qui se présente comme n’ayant ni queue ni tête - au sens où l’on parle de montage dans un collage surréaliste" (Séminaire XI, p. 154.)

Nous invitons donc chacun à participer avec nous à ce montage, à partir de ce qui les aura frappés et intéressés dans ces expositions.

Le 19 mars : 5ème séance

Marc Desgrandchamps est un peintre français qui s’impose doucement, progressivement, au fil de ses expositions, comme un des artistes les plus intéressants dans l’art d’aujourd’hui. Né en 1960 à Salanches, il construit une œuvre singulière, immédiatement reconnaissable, faite de paysages lumineux et Méditerranéens, dans lesquels s’incrustent des figures énigmatiques, majoritairement féminines, souvent solitaires, éminemment contemporaines.

« Peinture du doute » pour Catherine Millet, « Dérobade de la mémoire et érosion de la personne » pour Philippe Dagen, « Déconstruction et suspension du sens » pour Fabrice Hergott, « traversée de l’histoire de la peinture » pour Pierre Sterckx: nombreux sont les commentaires qui tentent de dire la singularité du travail de Marc Desgrandchamps.

Sa peinture est nourrie de références à l’Antiquité, au cinéma, à la littérature, à la philosophie, à l’histoire de l’art. Il fait aussi appel à des souvenirs personnels et à des photos de vacances.

Comme le disent les commissaires de sa grande exposition de 2023 au Musée des Beaux-Arts de Lyon, ce que sa peinture met en valeur, « c’est le fonctionnement de notre mémoire chargée de réminiscences qui viennent contaminer l’expression du réel ».

Marc Desgrandchamps : « Les figures sont comme les mots, on peut les disposer dans différents sens, différents ordres, différentes matières. Cela produit un sentiment d’instabilité similaire à ce que peut être le flux de sollicitations auxquels sont soumis nos sens même dans les circonstances les plus banales. »

Un œuvre pleine de surprises en tous cas.

Pour aborder cette œuvre et introduire la discussion, nous prendrons appui sur 4 brefs exposés: les intervenants dérouleront chacun un fil à partir de ce qui les a saisis lors de leurs confrontations avec les tableaux de l’artiste.

Christiane Brewaeys : la Gradiva.
Isabelle Pouget : la poésie dans l’anonymat.
Pascale Simonet : la question irrésolue.
Marc Segers : au-delà du décor.

Le 16 janvier : 4ème séance

Gérard Wajcman sera l'invité du prochain séminaire "Dire de l'art" mardi 16 janvier. Il parlera de l'expo Lacan. (au Centre Pompidou-Metz, jusqu'au 27/5/24).


Pour l'annonce de cette soirée, nous avons choisi cet extrait de sa préface au catalogue de l'expo:   


"Dans "Lacan, l'exposition ", il s'agit non de raconter un siècle de vie de Jacques Lacan, mais de raconter Lacan par le siècle. 

C'est l'enjeu contemporain, ce qu'il y a de vivant. 
La présence de Lacan dans le siècle impose la présence de Lacan au musée. Si Lacan a pu défendre que la psychanalyse était contemporaine de la science comme moderne, il s'agit de mettre au jour une autre solidarité et une autre contemporanéité avec l'art (...). 


Une autre raison forte appelle l'exposition: c'est qu'à la croisée de la philosophie contemporaine et de l'histoire de l'art ancien, Lacan a forgé une théorie du regard, la plus puissante qui soit; Au point de faire du regard un objet, un objet fondamental, déclarant que le sujet, le spectateur du monde, le sujet voyant est d'abord un être regardé. Y compris par les oeuvres d'art elles-mêmes - envisagées structurées comme un oeil, avec un trou au centre."

Le 19 décembre : 3ème séance

André Cadere (1934- 1978) est un artiste roumain exilé en France en 1967.

La récente exposition André Cadere  Expanding Art à la Fondation CAB, ainsi que la publication de ses Lettres sur un travail (Paris, JBE, 2023), lettres écrites depuis son lit d'hopital au cours du dernier mois de sa vie, ont remis en lumière cette figure essentielle de la vie artistique contemporaine.

Echappant à toute chapelle, hors de toute structure institutionnalisée ou marchande du monde de l'art, il traverse la scène artistique tel un singulier météore durant une décennie.

A la manière d'un Diogène moderne, il arpente les rues de Paris, New-York, Venise, Turin ou Bruxelles, armé de sa barre de bois rond (composée de segments peints) à l'épaule, qu'il dépose, le plus souvent sans y être invité, dans des lieux divers (magasins, galeries, musées) ou aussi bien dans le métro.

Aucun romantisme dans la pratique pourtant si délibérément nomade de de Cadere. À bien des égards, sa démarche est ascétique, même si elle se conjugue avec la plus grande liberté quant à la présentation de son travail.
De quoi s’agit-il donc dans ce travail ? En définitive d’écriture : « Je suis étonné par le rapport entre une barre de bois rond et le langage », écrit-il. Cette barre de bois rond, toute visuelle qu’elle soit, a son vocabulaire et sa syntaxe, et l’écriture « devient essentielle pour un travail qui, lui, est à regarder. »

Le 21 novembre : 2ème séance

Bruce Nauman

Voici ce qu’écrit de lui notre collègue Gérard Wajcman dans « L’œil Absolu » : « Si on veut aujourd’hui un peu de pensée aigüe, critique ou de combat, on ne peut mieux faire que d’en appeler à Bruce Nauman. Un artiste. Américain. Grand artiste de notre temps. Ce qu’on doit entendre des deux façons possibles: un des plus importants parmi les artistes d’aujourd’hui; et notre temps est l’objet de son art…. Je tiens de toute façon cet artiste pour le plus grand révélateur du nouveau malaise dans la civilisation. Y.A.T.U.O.D.B.N.A.A.L.S. Autrement dit, Y a toujours une oeuvre de Bruce Nauman adaptée à la situation. »

Ce qui singularise bon nombre d’oeuvres de Bruce Nauman, c’est que l’intensité et la puissance qu’elles dégagent ne se mesurent pas immédiatement au niveau de l’oeuvre elle-même, mais dans l’impact, l’incidence, qu’elles ont sur le spectateur. L’oeuvre n’a de valeur que par l’effet qu’elle produit. C’est le coup de batte dans le visage, l’équivalent du coup de bâton du maître Zen ou de l’impact d’une interprétation réussie en analyse. S’il n’y a pas ce choc, ce coup de batte, l’oeuvre (ou l’interprétation) devient moins intéressante.

Un exemple : « Pay attention motherfuckers ». Cette oeuvre, une lithographie de 1973, illustre la visée de Bruce Nauman, de concerner, si pas de décontenancer le spectateur. C’est clair, les « motherfuckers », c’est nous. Invectivés, si pas insultés, à nous de décider: soit se détourner et passer son chemin, soit faire attention. A quoi? A l’œuvre en question évidemment, mais surtout au fait que celle-ci nous concerne directement, nous, spectateurs, et que nous sommes plus qu’invités à ne pas nous dérober. Ensuite ? Nous en discuterons lors de notre séminaire.

 

Bruce Nauman est né en 1941 dans l’Indiana. Il a fait des études de mathématiques, de physique, d’art, de musique et de philosophie. Il obtient sa première exposition en 1966 et sa première rétrospective en 1972 au Whitney Museum of American Art à New York. Depuis lors, sa carrière n’arrête pas. Ses oeuvres se retrouvent régulièrement partout dans le monde: 5 Documenta, 6 Biennales de Venise, dont 2 où il emporte le Lion d’Or, en 1999 et 2009. A 82 ans il vit et travaille toujours.

Lors de cette soirée nous découvrirons ensemble quelques facettes de cet artiste protéiforme : vidéos, installations visuelles et sonores, œuvres graphiques, photos, néons, sculptures,… Peu importe le médium, pour lui, c’est l’efficacité qui compte : « je pense que la chose la plus difficile est de présenter une idée de la manière la plus directe ». Il a en tête « un art ne ressemblant pas tout à fait à de l’art. Que l’on ne remarquerait pas jusqu’à ce qu’on lui prête attention, et qui, une fois lu, obligerait à y penser. »

Le 24 octobre : 1ère séance

Sometimes making something leads to nothing

Francis Alÿs, actuellement au Wiels, fera l’objet de notre première soirée du séminaire. Il est belge, il vit à Mexico, il a représenté la Belgique à la dernière biennale de Venise et il est un artiste formidablement inventif.

 Lors de cette soirée, nous nous attacherons à entrer dans le monde décalé que nous présente Francis Alÿs dans ses performances, ses vidéos, ses jeux d’enfants, ses œuvres graphiques.

De façon voilée et allusive, Francis Alÿs se promène dans les différents pays qu’il traverse. Comme si de rien n’était, il nous rend sensibles dans chacune de ses vidéos à quelque chose qui n’est jamais loin d’une question, d’un point de vue latéral sur le politique, voire d’une impasse. Il le fait avec une énergie stimulante, il nous fait rire, sourire, rêver parfois, mais derrière ce rêve, derrière cette belle humeur apparente, il nous montre ce qui échappe à l’œil dans un premier temps.  Il ne renonce à rien de ce qui fait la trame réelle, hors sens, opaque de ce qu’il met en oeuvre.

Sous le mode d’une conversation, nous vous invitons à découvrir le monde poétiquement politique ou politiquement poétique de Francis Alÿs.

Et pour cette première soirée, nous aurons le plaisir de converser avec deux invités qui connaissent fort bien le travail de l’artiste : 

  • Dirk Snauwaert, le directeur du Wiels et le commissaire de l’exposition actuelle consacrée à Francis Alÿs
  • Julien Devaux est un proche collaborateur de l’artiste. Il a co-réalisé de nombreuses vidéos et il  a produit un film documentaire sur Francis Alÿs.

Argument

Cette année encore, nous nous intéresserons à des œuvres et à des artistes qui nous semblent serrer au plus près le réel aux limites du langage, horizon de toute cure analytique. Nous affinerons notre approche de cette vérité singulière qu’offre le dire de l’art : cet « hyperverbal », ce « verbal à la seconde puissance » comme Lacan a pu le qualifier dans L’insu que sait de l’Une-bévue s’aile à mourre [1].

Pour ce faire, nous partirons de ce qui nous affecte. Du corps, donc. Et des questions, nombreuses, qui le traversent.

Attentifs à ce qui nous regarde quand nous regardons, nous chercherons à saisir en quoi une œuvre peut nous impliquer, faire événement pour nous, comment elle nous parle. Nous nous demanderons aussi si l’artiste pourrait s’approcher de cette figure du pouâte que Lacan appelle de ses vœux à la fin de son enseignement.

Nous expérimenterons, sans autre garantie que l’appui sur notre symptôme, comment l’art nous pousse à la parole, à lire, à interpréter ce qui se présente à nous sous forme d’énigme.

Suivant l’actualité artistique, nos interventions prendront forme de témoignages des effets d’une rencontre singulière, soutenus par un dialogue avec des artistes, des critiques, des analystes.

 Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV, « L’insu que sait de l’Une-bévue s’aile à mourre », leçon du 28 janvier 1977, inédit.