Comment réveiller l’enseignement de Lacan ? C’est la question qui se pose à J-A Miller à l’orée de ce cours, en novembre 1981. Il le constate : l’usage des termes de Lacan dans la communauté analytique d’alors en a amorti la pointe, qu’il s’agit de retrouver.

Dès lors, comment le lire ? Commençons, propose J-A Miller, par lui appliquer le principe de lecture que dégage Lacan lui-même pour lire Freud, à savoir appliquer « (…) à la compréhension d’un message les principes mêmes de compréhension dont il se fait le véhicule. »[]

Les concepts de Lacan sont en remaniement permanent, jamais figés, et cela en fonction des obstacles qu’il rencontre dans ses élaborations et qu’il lui faut dépasser. Lacan cherche sans cesse.

Ainsi, il s’agit -premier principe de lecture- de retrouver les questions qui l’ont conduit à ces remaniements, en considérant ceux-ci comme des réponses. Saisir les moments de scansion, voire de bascule, lorsque s’introduit un nouveau concept, comme nécessités par ces avancées, et en dégager la logique. Ne pas recouvrir les différentes modulations d’un concept mais au contraire les ouvrir à l’interrogation, chercher à en rendre raison.

Mais aussi : trouver le point d’Archimède à partir duquel lire Lacan. Lui-même, lorsqu’il opère son retour à Freud pour réordonner ses élaborations, utilise un levier : l’inconscient structuré comme un langage.

Quel levier pour une réouverture de l’enseignement de Lacan ? J-A Miller s’y engage ainsi : ce qui fait le fond de l’interrogation de Lacan, c’est la dichotomie entre le signifiant et la jouissance, une question qu’il ne cesse de reprendre.

C’est à partir de ce point d’Archimède que J-A Miller entame ce cours, deux mois après la mort de Lacan, avec pour visée de maintenir vives les arêtes de sa recherche. Nous le suivrons pas à pas.

Nadine Page

J Lacan, Ecrits, p 381, Seuil 1966, cité par J-A Miller, « Jalons dans l’enseignement de Lacan », cours du 25/11/1981, l’orientation lacanienne, inédit